C'était implicite...
Je n’étais pas le genre de petit renfermé ni ouvert ; j’étais là..Quand on avait besoin de moi ou de ma compagnie, on venait me trouver..Quand j’avais besoin d’aide ou de compagnie, je tâchais d’en trouver..Plus tard, j’ai entendu des gens parler d’amitié, de recherche de vraie amitié, d’ami de confience et d’autres choses de ce même goût..On me demanda si je n’avais jamais eu un meilleur ami..J’ai répliqué « non » et du coup, on me prit en pitié et m’inculqua le caractère de « solitaire »…
A un certain moment, j’y ai profondèment réflechi ; n’avais je point d’amis ? ..Non ! J’en avais..Et j’en avais plus que n’importe qui de ceux qui me prenaient en pitié…Mieux ! Tous mes amis étaient des meilleurs amis…
C’est moi qui les pris en pitié après ; ils devaient chercher le concept de l’amitié..Nous, nous l’avions dans nos pensées et cœurs comme une chose instincive..
Je n’ai jamais pensé à l’amitié parce que pour nous, c’était quelque chose d’aussi présent que l’air ; avez-vous déjà pris le temps de penser à l’air qui vous entoure et de voir ce qui peut bien vous y rattacher plus solidement ?
Encore aujourd’hui, quand la Petite me parle d’amitié, je souris en mon for intérieur ; elle n’est pas méchante..Elle comprend la valeur profonde de l’amitié et l’avait dans le sang..Mais le fait de fréquenter des gens qui ne connaissaient point cette vertu en son sens propre l’avait fait douter peut être…Je ne sais pas…
Souvent, je me trouvai d’une façon ou d’une autre avec d’autres êtres de mon âge..La plupart du temps, on parlait assez sérieusement et les rares fois ou l’on riait, c’était de quelques petites anecdotes assez amères..je ne dis pas que toute la descendance des pierres rit commem ange le caviar, mais les êtres avec qui je m’entretenais étaient toujours soit plus grands d’âge, soit plus grands d’experience…Je n’en avais point conscience à l’ époque mais après, en y réflechissant…
J’avais un ami..On appelait le Boiteux sans aucune méchanceté, et lui ne le prenait point mal ; je pense que de nos jours, la susceptibilité est le point fort des gens à cause de l’absence de vrais liens sentimentaux entre les gens ; Si ton ami handicapé savait que tu disais cela par amitié, pour l’encourager et sans arrière-pensée, penses tu qu’il en sera fâché ?..je ne sais pas mais le nôtre ne s’est jamais fâché pour cela…
Le Boiteux était proche d’une mine qui a choisi ce moment pour exploser (un homme y avait marché)..Il avait perdu un peu de son pied et perdit un bout dejambe après pour grave infection..Quoiqu’il en soit après, il utilisait deux béquilles pour marcher, puis, par nécessité de course, une seule..Il était devenu très habile à la béquille ; non simplement il savait courir bien plus vite que les plus jeunes à cloche-pied mais il était fort pour atteindre des buts en lançant la béquille et frapper avec la béquille…Et oui ! Avant la béquille ne le quittait pas à cause de son handicap, à présent parce qu’elle était son outil à-faire-tout…
Le Boiteux lui avait même donné un nom « Mikdame » et en prenait bien soin même pendant les fêtes...Quand je lui tenais compagnie, il préférait toujours rester debout accoudé à sa béquille et parler en fixant n’importe quoi sauf les yeux de son interlocuteur…J’avoue en avoir été gêné au début ; je comprends les gens par leurs yeux et donc fixe toujours leurs prunelles…Celui-là les tenait bien à l’écart et résultat : je ne savais plus s’il plaisantait ou parlait sérieusement quand il parlait…Je souriais toujours avec un sourire ironique pour être à mi-chemin de toutes les impressions qu’il avait tout en me parlant..Et lui me disait toujours que j’étais un bien intelligent frère mais que par moments, j’avais l’air de quelqu’un sans cerveau…
Boiteux n’avait ni père ni mère puisque les deux ont eu la veine d’aller au Paradis pendant ses six ans mais en oubliant un petit truc derrière eux, le Boiteux…On parlait beaucoup de cela..le Boiteux disait souvent « qu’il avait raté l’autobus parce qu’il n’avait pas assez de monnaie angélique »..Moi je pensais qu’il voulait voir ce qu’il laisserait avant de mourir…C’est un peu bête de fuire son héritage du monde sans même le connaître ; en le connaissant au moins, on pourrait le modifier afin que notre descendance puisse le trouver plus allégé au moins…N’est il point ?
Boiteux semblait toujours enervé, toujours sarcastique et toujours prêt à la bagarre ; il était le seul qui sache faire rire un peu, le seul à ne pas s’être bagarré et était opitimiste..Quant on parlait des martyrs de la famille, je me souviens bien qu’il disait souvent
-« Grande Volonté Divine ! Faites de moi un Martyr politique !!»
Dommage que le Fléau ne l’avait pas laissé commencer son chemin ; je pense que Boiteux aurait fait un bon résistant politique avec ses analyses et ses predictions de troisièmes volet de guerres Salibis contre les ennemis de notre religion…
Inutile de dire que je l’aimais, ou que je le respectais ou qu’il avait une valeur particulière pour moi…je me trouve même nigaud à avoir écrit cette première phrase ; ces choses-là doivent être très très implicites..Mais les mots ont complètement dénaturé notre language..A présent, une personne ne croit que vous l’aimez que quand vous le lui dites avec votre bouche…
Aurait-on oublier que faire bouger la bouche nécessite beaucoup moins de muscles que de faire battre son cœur ?